Les arbres remarquables

Depuis l’aube des civilisations, les arbres occupent une place essentielle dans les activités humaines tant par leur matière que leur symbolique spirituelle. Poussés spontanément ou volontairement plantés, les plus anciens doivent leurs survies aux croyances religieuses ou au respect induit par leur longévité. Ils sont néanmoins vulnérables : les arbres remarquables de demain sont aussi les arbres d’aujourd’hui…

Tilleul de 700 ans – Bergheim

Qu’est-ce qu’un arbre remarquable ?

En France, terre de paix depuis des décennies maintenant, ce n’est plus la guerre qui décime les arbres mais les maladies et une nouvelle faune -importées par la mondialisation-, la pollution, les tempêtes, les incendies, le déclin de la population rurale et des connaissances liées à la gestion du patrimoine agro-forestier par les particuliers.

La définition d’un arbre remarquable, subjective selon que l’on est scientifique ou esthète, peut néanmoins se définir en fonction de critères assez précis : la forme ; l’esthétique ; l’âge (selon son espèce) ; les dimensions (circonférence, hauteur) ; la rareté (sur un territoire ou en voie de disparition) ; la situation géographique et/ou topographique ; son rôle dans l’histoire (commémoratif, lié à des personnages célèbres, à des croyances ou des légendes) ; être un refuge privilégié pour la faune (offrir abri et nourriture à certains animaux).

Il existe en France de singuliers spécimens que l’Alsace ne peut avoir, soit que la plantation est « française », soit que la conservation ou l’usage tiennent à des coutumes que l’Alsace ne pratique pas :

Sully (1659-1641), ministre de Henri IV, fait planter tilleuls ou ormes sur les places des villages ou à proximité des églises ainsi que d’autres arbres le long des routes pour leur donner de l’ombre, leur valant d’être désignés comme « arbres de Sully ». – L’Alsace ne rejoint le territoire français qu’après la guerre de Trente ans en 1648.-

Les arbres à clous, comme les arbres à loques sont des pratiques religieuses votives du nord de la France. Les clous extirpent symboliquement le mal du corps humain et le transmettent à l’arbre dans lequel ils sont plantés. Les loques, lambeaux de vêtements, sont déposées sur les branches pour en protéger le propriétaire des maladies. Certains arbres sont couverts de vêtements de nourrissons…

Feuilles de platane

Valorisation

L’association A.R.B.R.E.S. (Arbres Remarquables : Bilan, Recherche, Étude, Sauvegarde) fondée en 1994 par Robert Bourdu, Yves-Marie Allain et Georges Feterman lance en 2000 le projet : « 200 arbres pour retrouver nos racines », décernant le label « Arbre Remarquable de France » ou « Ensemble arboré remarquable ». Le comité de labellisation compte cinq membres dont Georges Feterman : « On essaie de garder au label un statut élevé, en étant très sélectif, pour honorer le gratin des arbres ». En 2020, plus de 500 arbres sont ainsi honorés en France dont une douzaine en Alsace. Les propriétaires privés et les collectivités territoriales, détenteurs d’arbres labellisés, signent un accord de partenariat avec l’association, induisant de les entretenir, protéger et valoriser au titre de patrimoine naturel et culturel ainsi que d’installer à côté de l’arbre un panneau indicatif portant le logo A.R.B.R.E.S.

L’association signe, en 2002, une convention de partenariat -renouvelée en 2014 à l’occasion du 1er Congrès national des Arbres Remarquables- avec l’Office National des Forêts (ONF) pour la préservation et la mise en valeur des arbres remarquables sur le territoire français.

Si le label n’a aucune valeur juridique, il contribue cependant activement, à la sensibilisation du public ainsi qu’à la valorisation patrimoniale et médiatique des arbres labellisés. En effet, malgré la possible intervention de la Ligue de Protection des oiseaux pour défendre un arbre en vertu de son rôle d’hôte pour des espèces animales protégées et les articles 172 et 350-3 protégeant les alignements d’arbres le longs des routes ou chemins et plusieurs autres concernant le respect des arbres, il n’en n’existe aucune leur évitant l’abattage.


Préservation globale

L’Office National des Forêts, attentif à l’entretien et à la préservation des patrimoines naturels de la faune et de la flore, a mis « sous statut de réserve biologique plus de 200 sites remarquables » à découvrir ici. En 2008, il lance son label Forêt d’Exception® distinguant dix-sept forêts domaniales en France, dont celle de Haguenau (Bas-Rhin). Celle-ci compte quelques-uns des douze arbres remarquables labellisés en Alsace.

Œuvre de longue haleine, le repérage et la compilation d’informations concernant ces arbres exceptionnels est idéalement collective : parmi les spécimens qui émerveillent promeneurs ou propriétaires, certains ne sont pas répertoriés. Grâce aux initiatives d’Emmanuelle Planchon, chef de projet rural pour le Conseil Départemental du Bas-Rhin et de Philippe Mercklé, adjoint au Chef de Service Environnement et Agriculture du Conseil Général du Haut-Rhin, il est possible de les proposer à l’inventaire. Pour le 67, ici et pour le 68, ici.


D’anciens à vénérables

En Alsace, nombreux sont les arbres centenaires. Une circonférence ou une hauteur exceptionnelle sont, avec le nombre de cernes, des indicateurs de grand âge. En voici quelques-un à admirer parmi les plus anciens.

Bas-Rhin : Belmont érables 200 ans, Diedendorf poiriers 100-200 ans, Domfessel chênes 300-400 ans, forêt de Hirschland chênes 300-400 ans, Mittlach hêtre 300 ans, Neuwiller-les-Saverne chênes 250 ans, Rimsdorf chênes 200-300 ans, Salm chêne 250 ans, Wangenbourg tilleul 500 ans.

Haut-Rhin : Bergheim tilleul 700 ans, Colmar arbre de Judée 200 ans, Durmenach mélèze 220 ans, Issenheim platanes 200 ans, Hartmannswiller hêtre pourpre et cyprès chauve 200 ans, Lutterbach platane 200-250 ans.


Historiques ou légendaires 

Monuments commémoratifs durables, les arbres anciens sont investis de symboles forts, soit dès leurs plantation soit a posteriori, préservés par les humains qui les aiment et les admirent. Voici quelques-unes des histoires qui les accompagnent.

Belmont : érables et tilleuls ombrageant le chemin menant à Solbach, plantés à l’initiative du pasteur Oberlin par les couples qui se mariaient.

Boersch : Jardin philosophe autrefois refuge de la famille d’artistes les Spindler et sauvé de l’abandon par la famille Kerr qui l’achète en 1985. Parc de la Léonardsau, tour à tour propriété de la collégiale de Léonardsau, d’Albert De Dietrich en 1896 qui y crée château et parc, occupé par les Allemands pendant les deux guerres. 1950-1968 le général Grüss en est le dernier propriétaire privé. La propriété appartient depuis à la ville d’Obernai.

Burbach : selon la légende un enfant ayant sympathisé avec un écureuil l’aide à amasser de la nourriture dans le tronc d’un tilleul qu’ils occupent ensemble l’hiver venu. Mais au printemps, l’enfant est prisonnier du tronc. Alertés par ses cris, les villageois tentent vainement de l’extraire. Ils décident de condamner le trou avec une pierre. Effrayé, l’écureuil s’enfuit dans la forêt. Mais à chaque hiver il vient dit-on déposer une noisette devant l’arbre. On y aurait aussi pendu le dernier loup de la région.

Mundolsheim : point le plus haut du village, ce tilleul servait de guet (en témoignent des lattes sur le tronc) depuis l’époque napoléonienne.

Salm : on raconte qu’un chêne y est planté en 1793 par les anabaptistes mennonites célébrant leur exemption de l’obligation militaire (ils sont pacifistes).

Sessenheim : un panneau fixé sur le tilleul indique : « Je porte le nom de Goethe car on suppose que j’ai été planté au milieu du XIXe siècle, pour commémorer le centenaire de la naissance de Johann Wolfgang Goethe (1749) ainsi que son passage à Bouxwiller et au Bastberg en 1770 ».


Pour aller plus loin

Liste des sites et monuments naturels classés au titre des articles L. S41-1 et suivants du code de l’environnement

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